Je ne devais pas écrire, pourtant j’écris
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Quand j’étais jeune, j’ai écrit
un livre, bien sûr dans ma langue. Je l’ai confié à un éditeur. Quelques
jours plus tard, j’ai été arrêté par la police. J’avais écrit ce que je ne
devais pas écrire. A cette période, il était interdit d’écrire sur les misères
des malheureux. Il était interdit d’écrire sur les défauts de la Révolution
Blanche. En fait, toutes les Révolutions sont bonnes, celui qui croit être
plus intelligent que les révolutionnaires paie très cher. Les Français le
savent : Ce sont eux les inventeurs de la Guillotine. Il n’y a pas de révolution sans
Guillotine. L’histoire des malheurs des paysans, la vie en Iran sous le Chah
étaient le sujet de mon livre. J’ai décidé de ne plus écrire. Ce que j’avais
écrit ne m’a jamais été rendu. La Révolution Islamique a changé notre pays.
Cette fois, j’ai écrit l’histoire de la période où nous étions en lutte
contre le Chah. C’est surprenant, j’ai jeté un regard neutre sur notre passé,
sans rancune ni haine. L’amour, l’esprit de sacrifice, la révolution, la
résistance, la vie estudiantine constituaient le sujet de mon livre. Le
Bureau de Propagande Islamique l’a envoyé pour lecture à deux écrivains,
Messieurs Guerogan et Tadjodiny. Il paraît que mon histoire leur a plu, mais
ils ont considéré que ce livre aurait dû être écrit par un écrivain engagé,
comme eux-mêmes et que je devais donner un rôle plus important au Clergé dans
mes écrits. Le Responsable du Bureau de la Propagande Islamique, Monsieur
Nezam-Doust, s’est rangé à leur avis. En 1988, j’étais arrêté à l’aéroport de
Téhéran, sans savoir pourquoi. Deux mois plus tard, j’ai eu la permission de
retourner en France, sans jugement. Seulement le responsable de mon
arrestation m’a demandé de m’engager à travailler pour eux, ce que j’ai
accepté mais jamais fait. Pendant plus de dix ans, je ne suis pas rentré en
Iran. Durant ces dix années, la maison de ma Mère, une veuve âgée de 75 ans,
a été incendiée. Sur l’ordre du Tribunal, les biens appartenant à ma famille,
que j’avais achetés, ont été confisqués. Le juge a déclaré que je devais
rentrer en Iran et répondre à certaines de ses questions. J’ai abandonné l’idée de devenir écrivain.
Je pensais devoir écrire dans ma langue maternelle. Le vent du libéralisme
soufflant en Iran m’a décidé d’écrire dans la langue de Molière. Très vite
j’ai découvert que cette langue était réservée aux écrivains professionnels
ou aux politiciens. Donc, j’ai décidé
de prendre ma revanche sur tous les éditeurs : Internet me permet de publier
moi-même mon livre. Pour votre
distraction, j’ajoute l’histoire de ma Ville natale, des poésies, de la
science-fiction et bientôt de la philosophie, de l’économie, résultats de mes
recherches à l’INA-PG, ainsi qu’un peu de droit et beaucoup de scandale. |