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En juin 1994 j'aurais dû présenter ma thèse, terminer mes études et rentrer chez moi, avec un doctorat. Je vivrais mieux là-bas qu'en France. J'avais une vie agréable, je travaillais à mi-temps et étudiais à plein temps. Jusqu'à ce qu'une Loi entre en vigueur. Le Préfet au moment du renouvellement de ma carte de séjour estima que je n'avançais pas bien dans mes études, les certificats de mes professeurs ne changèrent rien. N'ayant pas une carte de séjour, ma carte de sécurité sociale n'était plus valable alors que j'avais cotisé pour l'année suivante. Mon employeur aussi me licencia pour réemployer à plein temps, mais au noir, sans protection sociale quelqu’un autre. Le Préfet refusa de me renouveler ma carte de séjour mais ne m'interdit pas de vivre en France, il ne m'envoya pas non plus d’invitation à quitter le territoire français. Je ne devais pas me faire arrêter. Je savais que si la Préfecture m'oubliait, que je restais tranquille et que je ne demandais pas une régularisation de ma situation, je ne risquais rien. Le rêve de retour chez moi se brisa. Ma mère attendait mon retour comme Docteur ès Sciences et je n'avais aucune explication à donner concernant mon échec. Je ne voulais pas briser le rêve de ma famille. Au départ, j’ai demandé auprès d'une personne que je croyais conseiller juridique, de m'aider. Je lui ai donné quatre mille francs avec mon ancienne carte de séjour. Elle fut expulsée elle-même et je découvris qu'elle avait pris à une vingtaine d'autres étudiants, à chacun quatre mille francs, et c'est avec une fortune qu'il rentra chez nous. Le conseiller en question était un compatriote. J'ai adhéré à une association qui défendait les étrangers, elle me demanda deux mille francs pour frais de dossier et cinq cent francs par an pour droit d'adhésion. Je m'engageai également à participer à leur manifestation. Les socialistes, les communistes, les verts nous ont défendus jusqu'à la fin des élections. Il y avait un soulagement général, une fête. J'avais peur et je ne comprenais pas pourquoi le Front National manifestement aidait la gauche pour arriver au pouvoir. Le Ministre de l'Intérieur publia sa circulaire et escamota tous les problèmes des étrangers. Les associations se mirent à encourager les étrangers à formuler leur demande. Notre association me demanda mille francs encore pour droit d'adhésion concernant les années 1996 et 1997, et cinquante francs pour me parrainer et me délivra une carte de parrainage, mais sans écrire le nom et l'adresse de mon parrain. Elle les laissa en blanc. J'avais jusqu'au premier novembre pour envoyer ma demande, mais le deux juillet, ma demande était déjà envoyée. Tout se passa vite, le 18 août je devais être reçu, mais l'employé de la Préfecture était absent donc on me délivra une convocation pour le 4 novembre à 14 heures. Le 4 novembre à 14 heures j'arrivai et je déposai mes documents mais on ne m'interrogea pas : tout allait bien, je reçus une attestation de dépôt de dossier. Mr ........ Vous avez sollicité le réexamen de votre situation administrative dans le cadre de la circulaire NOR/INT/D/97/00104 /C du Ministère de l'Intérieur en date du 24 juin 1997. A l'issue de l'instruction de votre demande, vous sera communiquée PAR COURRIER la décision prise quant à votre séjour en France. Il est donc INUTILE DE VOUS DEPLACER OU D'ECRIRE. J'étais tellement content, mon cauchemar était fini. Je pouvais terminer mes études et réaliser mon rêve d'être professeur dans mon ex-université. Je rentre chez moi, j'ai un avis de passage du facteur, demain je vais chercher ma lettre recommandée. C'est la lettre de la Préfecture, je saute de joie il était écrit "vous sera communiquée" voila enfin, ma carte de séjour, je signe et j'ouvre l'enveloppe. Je ne me trompe pas PREFECTURE DE LA SEINE _ SAINT _ DENIS DIRECTION DES ETRANGERS Bureau des Mesures Administratives 31 oct. 1997 Monsieur Né(e) le Nationalité : TUNISIENNE Dossier n° .... Monsieur, Vous avez sollicité le 2 juillet 1997 votre admission exceptionnelle au séjour dans le cadre de la circulaire ministérielle n°27/104 du 24 juin 1997, relative au réexamen de la situation de certaines catégories d'étrangers en situation irrégulière. Vous avez été reçu(e) dans mes services le 18 août 1997 pour un entretien au cours duquel vous avez pu faire valoir tous les arguments de droit et de fait et produire tous les documents utiles à l'appui de votre demande, qui a été examinée avec la plus grande attention. Toutefois, j'ai le regret de vous faire connaître qu'à l'issue de cet examen, il ne m'est pas apparu possible de vous autoriser à séjourner plus longtemps en France. En effet, célibataire sans charges de famille et présent en France depuis plus de 7 années, vous ne justifiez d'aucune période de situation régulière autre qu'en qualité d'étudiant ni de ressources issues d'une activité régulière. D'autre part et à titre principal, vous ne remplissez aucune des conditions fixées par l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée pour être admis au séjour au titre de ses dispositions : -Vous ne justifiez pas notamment avoir obtenu le visa de long séjour exigible conformément aux dispositions de l'article 13 de ladite ordonnance, pour l'octroi d'une première carte de séjour temporaire. Dans ces conditions, vous êtes invité à prendre vos dispositions pour quitter le territoire français dans le délai d'un mois à compter de la notification de la présente décision. Passé ce délai, si vous vous mainteniez sur le territoire, vous seriez passible d'un arrêté préfectoral de reconduite à la frontière, conformément aux dispositions de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, modifiée. Vous voudrez bien remettre la présente lettre aux services de police chargés du contrôle de l'immigration au moment de votre passage à la frontière. Je vous indique qu'il vous est possible de bénéficier d'une aide à la réinsertion en vous présentant avant la fin du délai d'un mois à compter de la présente notification, à l'Office des Migrations Internationales Délégation régionale de Paris Nord 53/55 rue Hoche 93170 BAGNOLET (Métro Galliéni) Si vous estimez devoir contester la présente décision, vous avez la possibilité de former dans le délai de deux mois à compter de sa notification : - soit un recours gracieux auprès du Préfet de la Seine-Saint-Denis. Votre recours doit être écrit, exposer vos arguments ou faits nouveaux et comprendre copie de la décision contestée. - soit un recours hiérarchique auprès du Ministre de l'Intérieur - Direction des Libertés Publiques et des Affaires Juridiques - Place Beauvau, 75800 PARIS. Ce recours hiérarchique doit également être écrit, exposer les arguments ou faits nouveaux et comprendre copie de la décision contestée. Le recours gracieux ou hiérarchique ne suspend pas l'application de la présente décision. S'il ne vous a pas été répondu dans un délai de quatre mois à compter de la date de réception de votre recours, celui-ci doit être considéré comme implicitement rejeté. Si vous entendez contester la légalité de la présente décision, vous pouvez également former un recours devant la juridiction administrative, par un écrit, si possible dactylographié, contenant l'exposé des faits et des arguments juridiques précis que vous invoquez. Ce recours juridictionnel, qui n'a lui non plus aucun effet suspensif, donne lieu à l'acquittement d'un droit de timbre de 100 F et doit être enregistré au greffe du Tribunal Administratif de Paris - 7 rue de Jouy 75181 Paris Cedex 04 - au plus tard avant l'expiration du 2ème mois suivant la date de notification de la présente décision (ou bien du 2ème mois suivant la date de la réponse négative à votre recours gracieux ou hiérarchique Je vous prie d'agréer, Monsieur, l'expression de ma considération distinguée. LE PREFET et tampon pour le préfet Claude d'HARCOUR Je suis paralysé, l'employé de la Préfecture avait oublié que le 18 août il aurait dû me rencontrer mais ce rendez-vous n’a pas eu lieu. Donc l'arrêt de quitter la France a été rendu le 31 octobre 1997 et fut posté le 3 novembre la veille de mon rendez-vous. Tout était organisé pour recenser les étrangers et de cette manière je me suis fait piéger. Il me paraissait que toutes les associations avaient pour premier objet de faire de l'argent, car quand-même chaque pigeon comme moi payait deux mille francs par dossier plus cinq cent francs par an, et les associations profitaient de notre misère pour influencer les Français dans les élections. Maintenant la gauche n'a plus besoin de nous elle nous expulse pour remercier le Front National qui avait fait barrage à la droite. Les associations font semblant de nous défendre mais c'est la larme que le crocodile verse pour sa proie. La droite était au moins sincère. |